Nombre record de rénovations dans le logement social: Interview avec Dorien Robben et Lionel Godrie

Rénovation

La Région de Bruxelles-Capitale compte 40.000 logements sociaux, dont près de 80% ont été construits il y a plus de 50 ans. De plus, il y a eu très peu d’investissements dans le logement social à la fin du 20e siècle. La rénovation du patrimoine pour remettre les logements aux normes actuelles représente donc un défi énorme. 

Le gouvernement bruxellois, la SLRB et les 16 SISP ont fait des efforts considérables ces dernières années pour accélérer les rénovations du patrimoine, et cela a porté ses fruits : actuellement, un nombre record de rénovations est en cours dans la Région.  

Dorien Robben, directrice générale adjointe de la SLRB et Lionel Godrie, directeur général de la SISP Le Logement Bruxellois expliquent dans cet entretien comment le secteur s’est investi pour améliorer la qualité de vie des locataires et pour réduire les émissions de CO². 

Quel est l’état actuel du patrimoine de logement social à Bruxelles ? 

Dorien Robben: “À l’heure actuelle, 16.500 logements sont déjà en bon état et n’ont pas besoin de grandes rénovations. Il s’agit de logements qui ont été construits récemment ou qui ont déjà bénéficié d’une rénovation. 

75 projets de rénovation sont en cours actuellement, pour un total de 9.115 logements. Il s’agit de 60% de rénovations techniques, 26% de rénovations d’enveloppe, 13% de rénovations complètes, et 1% de démolition/reconstruction. Ce sont des chiffres historiques : c’est la première fois qu’un tel nombre de rénovations est en cours dans la Région. Ça se reflète dans les budgets dépensés :  les liquidations s’augmentent chaque année.

Pendant la législature actuelle, 28.812 logements auront bénéficié d’une rénovation complète ou partielle. D’ici 2024, 175 chantiers de rénovation seront terminés pour un total de 541 millions d’euros. L’arriéré historique de l’encours sera résolu. Nous en sommes très fiers, car ceci témoigne des efforts conséquents entrepris par la SLRB et toutes les SISP depuis des années pour accélérer les rénovations du patrimoine.”

Qu’est-ce que la SLRB et les SISP ont fait pour réaliser une telle accélération des travaux ? 

Dorien Robben: “La SLRB a entrepris un grand nombre de mesures pour soutenir les SISP et les aider à accélérer leurs rénovations. Nous avons vraiment cherché où chacun pouvait apporter une plus-value : ne pas tous faire la même chose, mais regarder ensemble comment faire avancer les projets de rénovation. Pour la SLRB, cette plus-value se situe au niveau stratégique et de notre vue d’ensemble, et pour les SISP, c’est au niveau opérationnel.

Premièrement, depuis 2012, nous avons introduit des Plannings Initiaux Globaux qui fixent la durée des différentes phases : 24 mois pour l’avant-projet, et 48 mois pour le début des travaux. 

Nous avons également mis en place des réunions semestrielles avec chaque SISP pour faire le suivi de l’avancement de leurs projets de rénovation. S’il y a des retards, nous les analysons et nous y lions des plans d’action individualisés. 

Ensuite, nous mettons à disposition des cahiers des charges types qui facilitent le travail des SISP et qui représentent un gain de temps important. Nous implémentons aussi des études de faisabilité technique pour les projets de rénovation afin de déterminer ce qu’il faut inclure dans les cahiers des charges (amiante, géomètre, études de stabilité…).

Et finalement, nos spécialistes donnent des formations régulières en matières techniques et juridiques pour les collaborateurs des SISP.” 

Lionel Godrie: “Nous avons clairement noté une évolution dans l’approche de la SLRB : elle est passée d’un organisme de tutelle et de contrôle pure, vers une institution dynamique et ouverte qui est à l’écoute des SISP et qui les soutient dans leur travail quotidien. Cette meilleure collaboration entre la SLRB et les SISP se fait au bénéfice de tous, avec comme résultat de faire avancer les projets. 

Par exemple, il y a eu toute une réflexion avec les juristes de la SLRB sur la meilleure manière d’exploiter la législation relative aux marchés publics. C’est une procédure qui est relativement lourde, qui pourtant ouvre toute une série d’opportunités. C’est ainsi que nous avons mis en place des accords-cadres avec des marchés subséquents pour rendre concrètes plus rapidement les décisions d’investissement. 

Les SISP, de leur côté, ont fortement augmenté leur professionnalisme. La plupart des sociétés ont créé des départements de type investissements et ont engagé des gestionnaires de projets spécifiquement dédiés à cela. Par ailleurs, au Logement Bruxellois, pour certains dossiers, nous avons externalisé la maîtrise d’ouvrage (de l’avant-projet jusqu’au suivi d’exécution), c’est entre autres le cas pour notre Plan Climat. Cela nous permet de gérer de front tous les projets.” 

Quels sont les objectifs en matière d’énergie ? 

Dorien Robben: “Dans toutes les SISP, nous installons un objectif de gain énergétique pour diminuer les émissions de CO² et pour baisser les factures des locataires. Dans notre contrat de gestion actuel que nous avons conclu avec le gouvernement de la Région bruxelloise, nous avons inscrit comme objectif d’atteindre en moyenne un certificat PEB D pour 2025 et un certificat PEB C pour 2040. De plus, tous les logements sociaux de la Région devraient être conformes aux exigences minimales en matière d’énergie pour 2030. 

Cela signifie une réduction d’émission de CO² de minimum 14.000 tonnes par an. Nous allons investir un budget minimum de 430 millions d’euros pour augmenter les performances énergétiques des bâtiments.”

Lionel Godrie: “Le Logement Bruxellois est également très ambitieux en matière d’efficacité énergétique. À côté des programmes quadriennaux de la SLRB pour financer les rénovations, nous avons lancé le Plan Climat qui a pour objectif la rénovation énergétique de plus de 1.000 logements. Nous ferons des travaux sur l’isolation des murs et des toitures, nous remplacerons les châssis par du double ou triple vitrage, nous installerons des systèmes de ventilations performants, nous profiterons également de ces chantiers pour mettre en conformité la sécurité incendie, électricité et gaz.

Grâce à ce plan, 75% de notre patrimoine sera basse énergie d’ici 2027 et les émissions de CO² seront réduites de 37%. 

Au-delà de ces chiffres, ces investissements représentent une économie moyenne de 1.200 euros par an pour les familles qui occupent actuellement un bâtiment non isolé. 

Le Plan Climat est la preuve de ce qu’on peut ambitionner grâce à une bonne collaboration entre les différents organismes. La Ville de Bruxelles y investit 37 millions d’euros, et ensuite nous avons trouvé un accord avec la SLRB pour un emprunt crédit long terme d’également 37 millions d’euros.”

Que fait le secteur pour diminuer le nombre de logements inoccupés ? 

Dorien Robben: “Il faut bien être conscient du fait que, quoique nous fassions, nous n’arriverons jamais à un taux de zéro logements inoccupés. Car même si nous rénovons et remettons en location tous les logements actuellement inoccupés, dans 5 ans il y aura d’autres logements qui nécessiteront des rénovations et qui devront donc être vides pour un certain temps. Par exemple, au Foyer Laekenois, minimum 100 logements de leur parc de 3.600 logements sont vides en permanence pour permettre la rénovation des différentes tours de la Cité Modèle via des opérations tiroirs. Entre deux locations, il y a également un vide locatif de plusieurs mois en fonction des travaux à réaliser – les SISP essaient de réduire ce délai le plus possible.”

Lionel Godrie: “Le secteur fait des efforts considérables pour éviter les vides locatifs en faisant un maximum de rénovations en logements occupés. Conscients du nombre de familles sur la liste d’attente d’un logement, nous pouvons de moins en moins nous permettre de fermer un bâtiment pour plusieurs années pour y faire des travaux. 

Ainsi, lors d’un projet de rénovation en site occupé, il est impératif d’apporter un accompagnement solide à nos locataires. Nos assistants sociaux sont là pour accompagner les locataires pendant les travaux. Et pour chaque bâtiment, Le Logement Bruxellois va créer une application spécifique pour les locataires à partir de laquelle ils pourront consulter le temps des travaux, fixer des rendez-vous avec les techniciens, poser des questions, etc. La communication et les outils pour faciliter l’accompagnement deviennent un véritable enjeu.

Mais parfois, nous n’avons pas le choix et nous devons vider tout un bâtiment pour des rénovations lourdes ou pour une démolition-reconstruction, comme à Rempart des Moines. Dans ce cas-là, les locataires déménagent vers de nouveaux logements, ce qu’on appelle les opérations tiroirs. 

Aujourd’hui, il existe aussi la possibilité de proposer de l’occupation précaire dans les logements inoccupés. Mais c’est quand même assez compliqué pour les sociétés, car ça implique parfois des frais pour la remise aux normes de salubrité avant la mise à disposition de ces logements temporaires. Malgré tout, le Logement Bruxellois va faire un test avec 24 logements via un projet de convention avec la Fébul. Ces logements seront mis à disposition pour une période de 2 ou 3 ans dans le cadre d’une réinsertion par le logement, par exemple pour des personnes victimes de violences conjugales ou qui ont perdu leur logement. Ce n’est évidement pas le seul projet en cours dans le secteur, relevons celui d’Everecity également.”

Y a-t-il eu des retards dans les projets à cause de la crise sanitaire actuelle ? 

Lionel Godrie: “Le confinement, et principalement le premier, n’a pas été évident à gérer. Nous devions tous nous adapter et prendre l’habitude du télétravail. On pourrait croire que le confinement a mis un coup de frein à toute une série de programmes. Mais quand on regarde au Logement Bruxellois, y compris pour le Plan Climat, nous avons réussi à rester dans les délais. 

Nous avons assez rapidement décidé d’organiser nos commissions techniques par visioconférence. Cela n’a pas été simple, surtout au début, mais aujourd’hui nous sommes exactement dans les délais que nous avions prévu en 2019 au lancement du Plan Climat. Au plus tard fin juin, les permis d’urbanisme vont être déposés et courant 2023, la toute grande majorité des travaux auront commencé. 

Cela démontre que, grâce à une ingénierie administrative et juridique, il est possible de compresser les délais et faire des projets en 4 ou 5 ans en démarrant de zéro. Alors qu’auparavant, on était plutôt dans des délais de 7 ans ou plus. Donc malgré les difficultés, nous avons été capables de nous réinventer, d’être innovants et de continuer à faire avancer les choses. 

J’insiste aussi sur le fait que cette approche a pu avoir lieu grâce à la parfaite collaboration entre notre société et la SLRB. Il y a une réelle volonté de faire avancer les choses, et tant mes collaborateurs que ceux de la SLRB. Ils ont fait appel à leur créativité et leur esprit d’innovation pour réaliser cela. Avec toute l’envie du monde, Le Logement Bruxellois ne pourrait pas y arriver tout seul. Nous avons besoin d’un partenaire comme la SLRB qui met de l’huile dans les rouages, tout en ayant également des exigences claires.” 

Dorien Robben: “Dans l’analyse des besoins des SISP que nous avons menée en 2019, il est clairement ressorti que les sociétés attendaient de nous une approche plus collaborative et individualisée. Là où les sociétés sont fortes, il n’y a pas de raison que la SLRB vienne faire de la surenchère. Et là où elles ont besoin d’un peu plus de soutien, nos collaborateurs mettent à disposition leur expertise et leur vue d’ensemble du secteur. Il faut responsabiliser les gens en fonction de la maturité de leur société. Sans oublier les Conseils d’Administration des différentes SISP, qui ont également un rôle important à jouer. C’est tout à fait cet esprit que nous avons inscrit dans notre nouveau contrat de gestion.”

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